Assisterions-nous au « grand retour » de l’hypnose ? Depuis quelques années, cette technique thérapeutique plus que centenaire semble avoir le vent en poupe : multiplication des livres chez les éditeurs, des forums sur Internet, des conférences, des lettres de nos lecteurs… Tout se passe comme si les possibilités de l’hypnose étaient redécouvertes, tant par les thérapeutes, les psychologues et les médecins, que par le public ; et que sa réputation sulfureuse était en train de s’estomper. Voici donc, en dix questions-réponses, l’essentiel de cette pratique qui semble mettre en jeu les capacités les plus étranges de notre cerveau.

Qu’est-ce que l’hypnose ?
Tous les spécialistes ont leur propre définition et aucune théorie ne fait autorité. Le phénomène hypnotique est si complexe que les praticiens disent volontiers qu’il y a, non pas une, mais plusieurs hypnoses. Seule certitude : ce n’est pas un état de sommeil, mais un état modifié de conscience (EMC), comme le rêve, la transe, la relaxation, les expériences mystiques, la méditation…

La « transe hypnotique » correspond à une modification de la vigilance normale – celle qui nous permet de raisonner et de vivre au quotidien. Mais elle a ses caractéristiques : dans un environnement monotone où rien ne se passe, où les stimuli sont peu intenses, notre cerveau est en « manque » d’informations. Il se met alors à en produire lui-même en puisant des images dans notre inconscient. En quelque sorte, on « rêve » tout en restant conscient. En outre, contrairement à l’état de vigilance normale, où l’attention embrasse de nombreux centres d’intérêt en même temps et passe rapidement de l’un à l’autre, elle est concentrée, en hypnose, sur un sujet beaucoup plus restreint. C’est ainsi que, peu à peu, la personne hypnotisée oublie la réalité extérieure pour entrer dans une réalité intérieure, mais qu’elle vivra comme extérieure.
Seule exception : la voix de l’hypnotiseur continue d’être entendue. Ses mots deviennent un stimulus très particulier qui augmente le pouvoir de la suggestion. Celle-ci provoque alors des changements psychologiques ou physiologiques inhabituels (disparition immédiate de douleurs aiguës ou d’un eczéma, etc.). Pourquoi ? Comment ? Cela est encore à ce jour un mystère…

A-t-elle été prouvée scientifiquement ?
Ses effets, oui. De nombreuses études ont montré qu’une suggestion hypnotique entraîne des réponses neuronales. Exemple, celle menée en 1997 par le Pr Stephen Kosslyn, du département de neurologie du Massachusetts General Hospital de Boston : il a présenté à un groupe de seize personnes une palette de couleurs échelonnées et une palette de dégradés de gris. Les réactions de leur cerveau étaient enregistrées par un tomographe à émission de positrons. Lorsque, sous hypnose, on demandait à chacune de ces personnes de « voir » en couleurs la palette de gris, c’était l’aire occipito-pariétale, l’une des zones de reconnaissance des couleurs, qui était activée : le cerveau avait donc réagi comme s’il voyait de la couleur à la place du gris, ce que demandait la suggestion.

Peut-il se produire des accidents ?
Non. On se « réveille » toujours, quoi qu’il arrive. D’abord parce qu’on ne dort pas ! Ensuite parce que, si aucune suggestion ne l’entretient, le fonctionnement hypnotique se dissipe de lui-même. Quant à la prétendue influence négative de certains hypnotiseurs, entretenue par le cinéma, elle relève de la légende : aucun hypnotiseur ne peut vous forcer à faire quelque chose qui va à l’encontre de vos valeurs morales. L’hypnose n’est pas un lavage de cerveau ! On ne révèle pas ses secrets les plus intimes si on ne le désire pas…

 

 

Opération sous hypnose : une première à l’hôpital de Flers
Mercredi 5 octobre 2016, les médecins du centre hospitalier de Flers ont réalisé une première opération sous hypnose. Une procédure qui est appelée à se développer. 19/10/2016 à 12:02 par Ludovic Lemoine

Mercredi 5 octobre 2016, Nasser Kettani, médecin anesthésiste-réanimateur au centre hospitalier de Flers a un grand sourire à l’heure de rendre visite à Laurence (*), dans sa chambre. Quelques minutes plus tôt, il a utilisé l’hypnose pour anesthésier la jeune femme qui a subi une hystéroscopie.

« C’est une demande de ma part » sourit la jeune femme complètement remise de l’intervention et sereine. Durant trois quarts d’heure, elle était en état d’hypnose au bloc opératoire.

« Je sentais les choses mais sans aucune douleur. J’étais consciente d’être au bloc mais j’étais aussi ailleurs, dans mon souvenir. Cela n’a pas demandé d’effort particulier, simplement de la concentration. »
Lors du rendez-vous avec le médecin anesthésiste, la jeune femme avait évoqué un peu par hasard cette technique.

« J’ai posé la question car j’ai déjà vu des reportages sur l’hypnose mais je pensais que ce n’était réservé qu’à certains hôpitaux. J‘ai déjà subi beaucoup d’opérations avec des anesthésies locales ou générales, j’avais envie d’essayer une autre technique pour éviter les endormissements, le phénomène de réveil… ».
Formé durant un an
Le Dr Kettani vient justement d’achever une formation d’hypnose médicale d’un an.

« Il y a un an et demi, j’ai entendu parler de la pratique de l’hypnose médicale. Je devais faire une formation de chirurgie infantile et j’ai finalement décidé de réaliser une formation d’hypnose médicale. »
L’hypnose est un état dissocié, sentir son corps ici et ailleurs. Cet état de dissociation permet d’oublier la douleur. « On ne s’en occupe plus, on sent mais on n’a pas mal » poursuit l’anesthésiste.

Le Dr André, chirurgien, accepte de pratiquer l’opération sous hypnose.

Favoriser une partie du cerveau
Lors du rendez-vous post opératoire, Nasser Kettani a demandé à la jeune femme de se remémorer un souvenir heureux, symbole de bien-être. Pour la jeune femme, il s’agissait d’un voyage. « Une partie du cerveau humain est très structurée, ne laisse rien au hasard. Et une autre partie est plus artistique, instinctive, permet l’imaginaire : il s’agit de favoriser ce côté plutôt que l’autre » explique le médecin. Mercredi, arrivée au bloc, l’anesthésiste a demandé à la jeune femme de se plonger dans son souvenir, la guidant au son de sa voix. « Je me suis concentrée sur sa voix et mon souvenir » explique la patiente.

Au terme de trois quarts d’heure d’opération, le Dr Kettani l’a fait revenir de son voyage très rapidement.

« En temps normal, il faut plusieurs heures avant de laisser sortir le malade, là, c’est beaucoup plus rapide ».
Au final, Laurence aura été actrice de son opération.

« Le chirurgien m’a demandé de prendre une autre position, ce que j’ai fait ».
Multiples intérêts
Outre l’avantage d’un réveil très rapide, sans phase de léthargie, cette technique permet de diminuer considérablement l’usage d’antidouleur et d’anesthésique.

« Sur une opération de ce type, il aurait fallu refaire une injection en cours d’intervention, cela n’a pas été le cas ».
Bienfaits pour le patient, mais aussi bienfaits économiques en raison du moindre usage de produits médicamenteux et d’hospitalisation.

L’hypnose a de beaux jours devant elle. « Mais on ne peut pas pratiquer l’hypnose pour toutes opérations » poursuit Nasser Kettani pour qui la maîtrise de l’anesthésie traditionnelle reste importante.

« En matière d’anesthésie, nous sommes capables de réaliser des performances extraordinaires. C’est un peu comme appuyer sur un bouton on/off, on peut réveiller ou endormir la personne à la minute prêt. »
L’hypnose, c’est une tout autre approche. Le médecin sera bientôt épaulé dans sa tâche à l’hôpital de Flers par une infirmière anesthésiste qui achève sa formation d’hypnose médicale.

« Tout le monde peut le vivre, c’est le patient qui fait lui-même le travail, je le guide vers ses sensations agréables »